jeudi 8 juillet 2010

Tour : les aveux de Pévenage, l'ancien mentor d’Ullrich…

Depuis Montargis (Loiret).
Le grand public, qui se souvient de lui comme coureur cycliste dans les années 70 et 80, l’avait depuis sans doute un peu perdu de vue. Rudy Pévenage, homme de l’ombre et discret ô possible, était pourtant un bon directeur sportif et surtout le mentor de l’Allemand Jan Ullrich (vainqueur du Tour 1997, 2e à cinq reprises, une fois 3e et 4e). Pévenage, qui gardait le silence depuis la fin de carrière mouvementée de son protégé en 2006, a décidé de parler. C’était dans l’Equipe de ce matin. Avouons-le: il était temps… car c'est un entretien important pour la bonne compréhension de cette époque-là.

«J'organisais les voyages de Jan (Ullrich) à Madrid chez le docteur Fuentes. A quoi ça servirait aujourd'hui de continuer à mentir?» Par ces mots sans ambiguïté, Rudy Pévenage avoue donc ce que l’on savait déjà (c’est toujours la même histoire). L’ancien directeur sportif des T-Mobile, licencié par son équipe à la veille du Tour 2006 en raison des rebondissements de l’affaire Puerto qui avait mis à l’arrêt plusieurs coureurs dont Basso et Ullrich, confirme ainsi les rapports d’enquête de la police allemande publié en 2009 et qui affirmaient que l'ancien champion aurait consulté le fameux docteur Fuentes à 24 reprises entre 2003 et 2006. Petit rappel: à ce jour, Jan Ullrich n'a toujours pas reconnu officiellement s'être dopé… et il ne fut rattrapé par la justice espagnole qu'en raison d'une erreur de Pévenage, qui avait utilisé son téléphone personnel pour prévenir Fuentes de la victoire d'Ullrich sur le chrono du Giro 2006. Pas de chance: le docteur espagnol était sur écoute…

«Tout le monde était au courant, c'était presque normal.» Les mots de Pévenage font froid dans le dos, car les faits se déroulent bien après le Tour 1998 et l’affaire Festina… Et le plus étonnant, dans cette longue confession, c’est qu’il tente non seulement de justifier mais de banaliser ce qu’il appelle une «pratique de dopage généralisée». Il précise: «Ce qu'il faut savoir, c'est qu'à l'époque où j'organisais les voyages chez Fuentes, je n'avais pas l'impression de commettre une faute. Je connaissais beaucoup de clients de Fuentes, parmi lesquels de bon coureurs, qui eux, étaient au départ du Tour 2006. Tout le monde était au courant, c'était presque normal. (…) Peu à peu, en regardant les résultats, on s'est rendu compte qu'on était en retard sur les autres équipes. (…) On s'est aperçus que certains avaient trouvé une autre méthode de préparation pour éviter l'EPO.»

Comme beaucoup d'observateurs à l'époque (ce fut mon cas et ça l’est toujours), Rudy Pévenage reste persuadé de la supériorité «naturelle» (attention aux mots) de Jan Ullrich par rapport à Lance Armstrong. La rivalité entre les deux coureurs aurait d’ailleurs poussé Jan Ullrich, selon lui, à tout faire pour battre l'Américain. Les aveux se poursuivent ainsi dans l'Equipe: «On s'est vraiment engagés dans une mauvaise spirale, Jan était stressé et il prenait même du poids à cause de ça. (...) Le stress a empoisonné sa carrière, il avait très peur de tout ce qu'il devait faire pour être au-dessus du lot. Pour être tout simplement le champion qu'il était naturellement. Sans toute cette merde. (...) On n'était pas des idiots non plus, on connaissait Armstrong avant son cancer. La métamorphose après son retour fût tellement extraordinaire. (...) Armstrong était un grand professionnel, Johan Bruyneel son manager, aussi. Mais il avait couru chez Manolo Saiz, et il ne pouvait pas ignorer ce qui se passait. »

Que Rudy se rassure. Dans le milieu, personne ne l’ignorait non plus. Le grand public est désormais sur un pied d'égalité...

(A plus tard…)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je comprends pourquoi Ducoin affirme que cette interview est importante. Elle révèle totalement les moeurs infames, qui ont donc continué jusqu'au milieu des années 2000, quand on nous parlait de "Tour propre" et que France Télé faisait de la com'. La honte. Et si tout continuait, en vérité ?
Merci à Ducoin pour sa lucidité bienveillante, et pour la veille qu'il nous impose.