lundi 18 octobre 2010

Retraites : ce peuple debout !

L’exceptionnel n’est pas non-réel mais plus-que-réel… En refusant d’admettre cette simple vérité, Nicolas Sarkozy donne à voir sa vraie nature : il nie, avec un acharnement digne d’une guerre de classe, la possibilité que des êtres-révoltés puissent avoir raison et même gain de cause. Le symptôme témoigne de l’ampleur du mépris que le chef de l’État renvoie à ceux qu’il est censé représenter, et qui, depuis des semaines, avec une force de conviction admirable et un soutien de l’opinion grandissant, lui réclament de renoncer à son funeste projet de destruction de nos retraites.

À la sortie d’une nouvelle journée de mobilisation, rappelons ce fait incontournable : près de trois millions de personnes ont de nouveau arpenté les rues de nos villes pour dire «non» à l’infamie de la loi Woerth. Les tripatouillages sur le nombre de participants, de même que le tir de barrage médiatique des ministres tout le week-end, façon artillerie lourde, n’y changeront rien… Non seulement la base du mouvement s’élargit, mais la structuration des manifestants, qui se comptent par millions, est la preuve d’une solidité et d’un enracinement rarement vus dans l’histoire sociale contemporaine. Avant même la journée de demain, qui s’annonce considérable en défilés et en grèves, tous les ingrédients sont réunis pour faire céder le gouvernement. Face à deux Français sur trois, le pouvoir se trouve en effet au pied du mur. S’il ne retire pas son projet, il prend le risque de plonger le pays dans une impasse. Qui est irresponsable ? Qui choisit les intimidations et les coups de force ? Qui insulte la jeunesse ?

À ce propos. Non, les jeunes ne sont pas des débiles manipulés ni une «classe dangereuse». Voyez-vous, en Sarkozye, un adolescent de treize ans peut avoir une responsabilité pénale, un autre de seize ans peut même prétendre devenir un «créateur d’entreprise»... mais il leur serait interdit de descendre dans la rue ! Ils peuvent être humiliés, se prosterner devant le consumérisme globalisé, vider leurs cerveaux de temps disponible et attendre passivement les miettes d’un marché du travail précarisé… mais revendiquer, jamais ! Ces dérives verbales sont à l’image des actes de violence de quelques policiers précurseurs : misérables et pathétiques... De la loi Devaquet (1986) au CPE (2006), sans oublier le spectre de Mai 68 qui rôde dans bien des têtes affolées, l’histoire reste implacable : lorsqu’un pouvoir cherche à infantiliser les jeunes, à les considérer comme des sous-citoyens incapables de raison, il ne récolte que colère et révolte. Oui, osons dire que nous sommes fiers de ces jeunes qui se mêlent du futur, du nôtre comme du leur, avec au cœur cette solidarité générationnelle qu’on veut leur rogner – au moins prouvent-ils qu’ils se reconnaissent dans le pays de Jaurès et d’Hugo...

Les petits «réalistes» de la haute feraient
bien d’y réfléchir. L’éloge des vanités, le triomphe du friable, la vulgarité pipolisée du fric, les conflits d’intérêts, les injustices installées dans toutes les politiques publiques : tout cela n’est pas la France des travailleurs. Nous avons toujours été les premiers à dénoncer la société française qui se fragmente, où le chacun pour soi remplace le bien commun, où l’on devient consommateur de la République plutôt que citoyen. Depuis des semaines, le mouvement social affiche un autre visage, celui du peuple debout qui réaffirme ses prérogatives dans le temps du confit retrouvé, avec une grille de lecture sociale qui nous faisait tant défaut depuis des décennies. Nous mesurons donc l’importance et la gravité du moment qui est le nôtre. Exceptionnel.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 octobre 2010.]

(A plus tard...)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Comment peut-on espérer rassurer le peuple d'un des pays les plus riches de la planète, qui a su trouver je ne sais combien de centaine de milliards de dollars pour rassurer les actionnaires des banques lors de la crise, simplement en disant : « il n'y aura pas de discussion, la négociation a déjà eu lieu, il faut que le processus démocratique se poursuive,...(sic) »
Il faut être sacrément cynique pour oser compter les manifestants et oser dire, le jour où, épuiser par les journées de salaire offertes au patronat, que: « les français commence à comprendre, il nous faut continuer à expliquer (re-sic) »
Imaginer un opposant à la réforme dire : « oui, j'ai arrêté la grève car j'ai compris, le gouvernement a bien expliqué... »...ridicule, non ?
Le gouvernement continue sur sa position et veut faire payer les travailleurs pour les dérives capitalistes du système.
Comment peut on sérieusement défendre la position du travailler plus longtemps alors que près de 15% des gens sont au chômage ou sans-emploi.
Dépassons les 20 secondes de réflexions du gouvernement et fatiguons nous à réfléchir...une autre réforme est possible.

Anonyme a dit…

1) Des médias à la botte à dénoncer
La très large majorité des Médias, présentateurs, animateurs… Ignorent délibérément qu’il existe une autre possibilité pour financer les retraites (notamment): limiter fortement les dividendes (avant de les supprimer), taxer les mouvements financiers, supprimer les dizaines (voire centaines) de « niches » fiscales destinées aux plus riches (Sarko and co préfèrent s’attaquer au petit cadeau fait aux jeunes mariés l’année de leur mariage).
En clair, selon Sarkozy, son gouvernement et le MEDEF ce serait plus juste de récupérer quelques dizaines voire centaines d’euros sur les salariés que de récupérer les dizaines ou
centaines de millions d’euros de cadeaux et remboursements faits aux plus riches par le fisc ? Et avec tout cela c'est plusieurs centaines de milliards qu'on peut récupérer.

2) Regardons ce que font députés, sénateurs et élus locaux… …et souvenons nous en !
Certains sont contre vous :
Ils ont voté contre les salariés,
Ils ont voté contre tout amendement permettant de s’attaquer
aux dividendes, au maintien de 60 ans…
Ils ont voté en même temps, et sans honte, pour conserver
leur propre régime de retraite ultra favorable,
Dans leur circonscription ils s’opposent aux salariés par leurs
déclarations...,
Ils sont absents, se taisent où n’hésitent pas à dire qu’ils
comprennent les salariés alors qu’ils ont voté contre eux à Paris pour
le maintien des privilèges et contre les jeunes, les salariés
et les retraités.
Ils ne vous soutiennent pas, ne pratiquent pas la solidarité,

Députés, sénateurs vous avez des comptes à rendre sur ce que vous avez fait de nos voix !
On s’en souviendra !! Certains nous soutiennent, sont présents, solidaires et
ont porté notre voix, du mieux qu’ils ont pu, au Parlement et ailleurs.
On s’en souviendra aussi !!

Mais en attendant, on continue !!

Anonyme a dit…

MERCI DU SOUTIEN DE L'HUMA ENVERS LES MANIFESTANTS ET LES LYCEENS !!!
Je suis allé à toutes les manifestations organisées par les syndicats, ainsi qu'à une d'étudiants et lycéens. Je reviendrai aujourd'hui et, s'il le faut, aussi mercredi, jeudi, vendredi et samedi. Etudiant en économie à Lille, cette réforme me touchera car elle signifie la paupérisation des Français. Demander de cotiser plus alors que, d'après le conseil d'orientation des retraites, un Français n'arrive pas à travailler plus de 38,5 ans (en moyenne), c'est baisser les pensions. Faire cotiser plus les fonctionnaires, c'est baisser les salaires. Tout cela, c'est faire baisser la consommation, donc la production : donc plus de chômage.
J'attends d'une démocratie qu'elle écoute, sur des sujets si important, l'opposition. J'attends d'une République qu'elle écoute tous ses citoyens avant de faire peser une réforme sur la partie qui souffre le plus d'une crise économique initialisée par le système financier de marché. Un autre système économique est possible, un autre système politique est souhaitable pour que les citoyens soient écoutés. Pour résoudre le problème des retraites, il faut plus d'actifs, pas moins de retraités.

Anonyme a dit…

Je manifeste aujourd'hui contre la réforme des retraites, mais aussi contre le système actuel. Je suis jeune et, autour de moi, c'est toujours la même histoire : beaucoup de mes amis ne trouvent pas d'emploi avec des formations toutes différentes ou bien signent CDD sur CDD puis sont renvoyés de l'entreprise même s'ils étaient irréprochables. Je m'oppose par ailleurs à la politique de Nicolas Sarkozy concernant la stigmatisation de différentes populations, comme les Roms ou les musulmans, qui ne fait que diviser les citoyens au lieu de les rassembler. On aurait presque honte d'être français...

Anonyme a dit…

Retraitée, je ne suis pas directement concernée, mais je ferai l'effort d'aller soutenir les plus jeunes. Les mensonges à répétition du gouvernement me révulsent. En particulier un : "Il n'y a pas d'autres solutions." Bien sûr que si, il y a d'autres solutions, y compris pour le financement, en comparant par exemple le déficit des caisses de retraite de 32 milliards avec les 172 milliards de niches fiscales, sans même parler d'une éventuelle taxation des transactions financières.
Autre mensonge : "Le projet de réforme prend en compte la pénibilité." C'est faux, il prend en compte le handicap. Tenir compte vraiment de la pénibilité, ce serait accorder plus ou moins de "points" de droit à pension pour une même durée de travail selon son degré de pénibilité, avec tout un barème à établir et à renégocier régulièrement. On en est très loin. Aujourd'hui, mardi 19 octobre 2010, je serai dans la rue, peut-être pas très longtemps vu mon âge, mais j'y serai.
MIREILLE