vendredi 4 mai 2012

Rouge(s) : pourquoi il faut voter François Hollande

Avec le fils, dans une manifestation, à la sortie d'un cinoche... Voici venue l'heure du vote utile. Le seul vote utile du 6 mai 2012 !

Scène I. Café en terrasse, près de la Comédie-Française, à Paris. Grisaille sur les pavés. Passants pressés. Et puis.
– Dis, papa, tu vas voter François Hollande, dimanche?
– Oui. Et ce geste ne se discute même pas une seconde.
– Tu n’as pas toujours voté socialo au 2e tour d’une élection…
– En effet. Mais les élections ne sont pas toutes comparables. Là, l’affaire est trop grave, trop sérieuse pour s’amuser à passer à côté de ses responsabilités.
– Tu veux parler des cinq années écoulées?
– Non seulement Nicoléon a trahi la droite gaulliste, mais il a enfoncé presque toutes les digues qui séparait la droite «classique» de l’extrême droite. Il y a encore un an ou deux, quand il claironnait «liberté, égalité, fraternité!» j’avais l’impression qu’il pensait «travail, famille, patrie». Depuis quelques semaines, le néopétainisme est son pain quotidien.
– Donc, tu ne regrettes pas la ''une'' de l’Huma où vous l’avez comparé au Maréchal?
– Ah non, au contraire! Nous avons visé juste et au bon moment.
– Tu as vu qu’il a dit que cette une était une «honte»? Il a même réclamé des «excuses» de votre part…
– Cette ''une'' n’est pas une honte mais notre honneur. Quant aux excuses, il peut les attendre…Franchement, imagine, s’il est réélu, ce que pourrait devenir la droite dans quelques semaines. Y penser me fait frémir d’horreur.
– Quoi, toi, tu as peur?
– Oui. Quand tu additionnes Le Pen et le Nicoléon d’aujourd’hui, tu es en droit de te demander si l’extrême droitisation n’est pas d’ores et déjà notre ennemie. Il faut s’y préparer.
– Voter Hollande, c’est l’empêcher?
– Non. Mais ça élimine le chef de l’État actuel et ça nous permet de respirer un peu, de nous organiser, de re-penser l’à-venir. Le combat va continuer avec force et vigueur.
– Du coup, si je comprends bien, la stratégie ultradroite de Sarko est dans une stratégie d’échec?
– La violence de ses discours prouve que l’enjeu de la réélection est considérable. Il sent que la crise peut tout permettre à cette droite ordo-libérale, jusque-et-y compris une sorte de révolution nationale. D’où le basculement dans le discours quasi pétainiste, les écrits et documents étant là pour le prouver. Encore une fois, il mise sur le manque de culture historique des Français. Erreur.

Scène II. Défilé parisien du 1er Mai. Un drapeau rouge à la main. Un quidam irrité nous interpelle. Et puis.
– Vous, les «rouges», ne sous-estimez-vous pas les ambiguïtés du désir humain, souvent pervers et mimétique?
– Il ne faut jamais se montrer romantique ou utopiste, c’est ça?
– Je me méfie de ceux qui, au nom d’une classe, prétendent sauver l’humanité. Comme la gauche marxisante.
– Parce que si Hollande est élu, ça sera la «gauche marxisante»?
– Il y a toujours un risque… Je suis pourtant le premier à reconnaître que des analyses de Marx restent pertinentes, sur les rapports de production ou l’accumulation du capital…
– Ah! la lutte des classes comme moteur de la vie sociale?
– Euh, bah non, pas vraiment.
– Et que faites-vous des investissements du grand capital dans les zones où le salariat est proche de l’esclavage? Des armées de réserve des chômeurs pour réguler les coûts salariaux? De l’avidité croissante des actionnaires? De la soumission des États? De la prolétarisation des enseignants? N’est-ce pas au nom d’une classe dominante? Vous me faites penser à l’habillage idéologique du capital dans la glose des éditorialistes et des technocrates. En somme, la raison économique érigée en dogme intangible par les nouveaux «chiens de garde».

Scène III. Sortie de projection, au cinéma l’Écran de Saint-Denis. Petit attroupement après avoir vu le formidable long-métrage de Luc Leclerc du Sablon, Au prochain printemps, tourné entre septembre 006 et mai 007 pendant la campagne électorale, qui vit la victoire de qui l’on sait. Et puis.
– Être parti à la rencontre des «gens d’en bas», que certains méprisent en les nommant ainsi, est une idée géniale. C’est une admirable mise en abîme sur les cinq années écoulées. Plus fort que tous les discours.
– Oui, Luc filme ces Français avec empathie. J’allais dire avec amour… Pour moi, le plus incroyable, c’est qu’il réussit à nous faire entendre la profondeur de la pensée de ses interlocuteurs: un cafetier, un poissonnier, une coiffeuse, tous ces gens «si peu ordinaires». Il filme leur intelligence.
– Vu le climat politique, c’est un film de salubrité publique?
– Oui, tous les citoyens doivent voir ce film, vite. Et même après le deuxième tour – que l’on espère différent de 2007…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 4 mai 2012.]

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Belle idée, beau style, inventif et instructif. Bravo JED.