lundi 17 juin 2013

A propos d'égalité...

Que devient l’égalité des droits si le droit lui-même est rogné, dévalué, bafoué? Exemple: le dossier des retraites.

Dans la définition du Larousse, le mot «égalité» signifie dans sa première acception: «Qualité de ce qui est égal.» Puis, dans la suivante: «Citoyens égaux en droits et soumis aux mêmes obligations.» Depuis la divulgation du rapport sur les retraites, piloté par la conseillère d’État Yannick Moreau, tous les commentateurs de la médiacratie libérale – comme vous le savez, certains fréquentent les ministères actuels… – se relaient à longueur d’antenne en bande organisée pour prêcher leur propre définition de l’égalité, qui s’apparente plutôt à un concept de sous-égalité qui rendrait rouges de honte Montesquieu, Jaurès et de Gaulle réunis! Les citoyens, réduits au rôle de «récepteurs d’info», sont martelés par toutes les éminences noires, qu’elles soient du Medef, de la Cour des comptes, de Bercy, des ministères, des officines de conseillers occultes ou de la Commission européenne…

Au nom du «même traitement pour tous», ces idiots utiles du capitalisme théorisent une mise à niveau par le bas, par le moins-disant social, par le plus petit dénominateur possible.
Idéologiquement, on appelle ça «renoncer» ou «trahir», selon son degré de positionnement antérieur. Quoi qu’il en soit, ce raisonnement consiste à renoncer à toute idée de progrès. Certains salariés sont moins lotis que d’autres? Qu’à cela ne tienne: que les moins lotis deviennent la «norme», et l’égalité sera rétablie; en plus, personne ne viendra râler par temps de crise... Les bons serviteurs de la guerre sociale n’ont visiblement pas passé leur bac philo. Question numéro 1: que devient l’égalité des droits si le droit lui-même est rogné, dévalué, bafoué? Question numéro 2: quand le principe d’égalité s’abâtardit en principe d’injustice collective, s’agit-il toujours d’égalité? Allez, on aimerait tant que nos têtes blondes, ce matin, puissent plancher sur ces sujets fondamentaux…

C’est exactement la même irresponsabilité philosophique qui a présidé à la rédaction du rapport sur les retraites commandé par le gouvernement. Si les recommandations étaient suivies, François Hollande et Jean-Marc Ayrault assumeraient de réduire encore les droits à la retraite et, dans la droite ligne de la «réforme» Sarkozy-Woerth, ouvriraient de nouvelles brèches dans le système français – l’un des piliers du pacte républicain – pour se mettre en conformité avec le cadre néolibéral des politiques d’austérité qui dévastent l’Europe. Les mesures proposées ne sont pourtant en rien des solutions pour pérenniser et améliorer les régimes, d’autant qu’elles évitent toute augmentation des cotisations sociales patronales. Ces obsessions dévastatrices, qui stigmatisent encore un peu plus la fonction publique en tant qu’exception républicaine, pénaliseraient les actifs et les retraités. L’idée même de social et de retraite devient une variable d’ajustement.

Quel contraste, tout de même, avec ce qui s’est passé hier à Montreuil! Les assises citoyennes «pour changer de cap» ont réuni des représentants des forces politiques, sociales et syndicales afin de créer les convergences indispensables pour sortir des logiques austéritaires. Constat: la financiarisation de l’économie ruine tout et impose la fatalité. Résultat: il s’appelle «chômage de masse», «perte du pouvoir d’achat», «précarité», «ruine du service public», «atomisation morale», «nihilisme»… Hier, c’est la gauche de rupture qui s’est mise en mouvement pour reparler, prioritairement, des choix de société à assumer pour l’épanouissement humain. Des choix sans lesquels il n’y a pas de démocratie, ni d’avenir républicain.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 17 juin 2013.]

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