dimanche 14 décembre 2014

Et maintenant, la marchandisation des chômeurs

L’extension généralisée de la mise en concurrence de Pôle emploi permettrait aux agences privées de capter missions de service public pour faire du fric.

Chaque jour sa surprise ; chaque semaine son coup d’épée dans les reins… Connaissez-vous la convention 181 de l’Organisation internationale du travail ? Sans la vigilance de la CGT – qui révèle l’affaire et prouve, si besoin était, qu’elle est un syndicat d’utilité publique –, nous n’aurions pas pénétré si vite les dédales d’un texte dont la dangerosité arrive soudain jusqu’à nous comme une mise en alerte majeure et pour le moins révélatrice. Admettez néanmoins qu’il était temps d’en découvrir ce qui affleure. Car, voyez-vous, cette convention, qui vise à la libéralisation du placement des chômeurs au bénéfice d’agences dites d’emploi (lisez : cabinets de placement, opérateurs en tout genre à but lucratif, etc.), est devenue l’une des priorités du gouvernement, qui souhaiterait la ratifier au plus vite. Tellement vite qu’un projet de loi est déjà rédigé et qu’il doit être soumis au Parlement dès ce jeudi 18 décembre, en procédure accélérée. Cette méthode expéditive du gouvernement, outre qu’elle constitue un véritable déni de démocratie puisque les instances représentatives ont été exclues de toute discussion, en dit long sur les intentions restées volontairement secrètes pour l’instant.
Cette petite loi aux effets dévastateurs aurait d’ailleurs très bien pu figurer parmi les quatre-vingt-dix articles de la loi Macron. Elle procède de la même logique. Une libéralisation à marche forcée de tous les pans de la société. Même les plus fondamentaux. Comprenons bien l’enjeu. L’extension généralisée de la mise en concurrence de Pôle emploi, dont les missions de service public sont déjà rognées au quotidien par les politiques austéritaires, permettrait aux agences privées de capter lesdites missions pour faire du fric. Avec l’externalisation et à terme la privatisation du contrôle et de la recherche de l’emploi, on ne parlerait alors plus de «marché du travail» mais bien d’un «marché des chômeurs», ouvert à tous les profits. Ce serait la double peine pour les sans-emploi. Déjà victimes, ils deviendraient, de surcroît, une marchandise comme les autres.

[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 15 décembre 2014.]

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