vendredi 19 février 2016

Poudrière syrienne

Beaucoup d’apprentis sorciers, comme la Turquie ou l’Arabie saoudite, œuvrent toujours à visage découvert.

La diplomatie par temps de guerre est une chose trop sérieuse pour s’en passer, surtout quand nous parlons du conflit en Syrie, qui ensanglante le pays depuis cinq ans et menace l’équilibre –ce qu’il en reste– de toute la région. Dire qu’il est plus que temps de mettre un terme au calvaire de ce peuple ressemble à un euphémisme. Pourtant, malgré l’accord scellé à Munich avec l’assentiment des Russes et des États-Uniens, sur la base des propositions des 17 pays formant le groupe international d’appui pour la Syrie, l’arrêt des hostilités n’a rien d’acquis. Beaucoup d’apprentis sorciers, comme la Turquie ou l’Arabie saoudite, œuvrent toujours à visage découvert. À tel point qu’une question mérite d’être posée, au moins pour s’en prémunir: cette poudrière, qui concerne maintenant l’Otan, la Russie, l’Iran, la France, etc., met-elle en péril la paix du monde elle-même, sachant que le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, se demande si nous ne sommes pas entrés «dans une période de nouvelle guerre froide»? Les derniers événements nous incitent à la gravité. Pourquoi, dans sa folie meurtrière, le président turc Erdogan continue-t-il ses bombardements contre les forces kurdes en Syrie? Pourquoi vient-il de décider d’ouvrir ses bases aériennes pour accueillir des avions de chasse saoudiens, sinon miser sur l’escalade?

Pendant ce temps-là, Manuel Valls martèle sa thématique de guerre permanente. Non seulement il soutient une sorte de militarisation des frontières européennes, mais il en appelle même à restreindre l’accueil des réfugiés! Une honte pour la France, dont le rôle historique est ailleurs. Il ne s’agit plus de savoir comment gagner la guerre, mais comment contribuer à y mettre fin, en associant toutes les composantes de l’opposition. Pour cela, la diplomatie française doit s’affranchir d’une double ambiguïté, d’abord atlantiste, puis saoudienne. À propos de l’Arabie saoudite: comment faire entendre sa voix contre Daech et porter une solution de paix en Syrie, quand on s’affiche en allié principal et pourvoyeur d’avions de combat de cette monarchie du Golfe qui a partie liée avec le djihadisme, dont le projet de société s’inspire du même intégrisme théocratique?

[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 15 février 2016.]

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